Depuis la mise en confinement instaurée dans plusieurs pays et face à une situation de crise sanitaire, chacun cherche, à sa manière, d'aider comme il peut. Entre véritable envie de bien faire les choses et de participer à faire évoluer la situation et occupation pour faire passer le temps plus vite, la communauté des "makers" et plus spécialement de l'impression 3D est en ébullition depuis quelques semaines.

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3delectroshop.fr imprime et offre gratuitement des visières aux personnels soignants

La situation est peu ou prou la même un peu partout : les moyens manquent au niveau des personnels soignants, dans les cabinets médicaux comme chez les infirmières libérales et les hôpitaux : le personnel manque de moyens de protection, notamment de masques, pour faire face à l'afflux des contaminés.

Pour répondre à cette situation, une des premières idées lancées maladroitement sur les réseaux sociaux et communautés de l'impression 3D a été de proposer des masques imprimés.

Qu'il s'agisse de simple protection ou de modèles plus évolués intégrant une trappe pour y ajouter un filtre mousse ou simple papier mouchoir... Nombre de modèles ont été partagés sur la toile.

Or, le concept est une vraie mauvaise idée. D'une part, le processus d'impression 3D implique une fabrication par couches successives qui laissent des stries capables d'accueillir bactéries et microbes sans possibilité de véritablement les nettoyer. Plus globalement, ces masques nécessitent par ailleurs des heures d'impression 3D, ce qui implique que les utilisateurs ne souhaitent pas les jeter au bout de quelques heures seulement... Dans l'incapacité de les stériliser convenablement, ces masques peuvent servir de vecteur de propagation de la maladie, soit typiquement le contraire de leur but initial. Il est également bon de préciser que l'aspect rigide de ces masques ne permet pas de garantir une étanchéité parfaite au porteur, laissant ainsi les projections s'infiltrer jusqu'à sa bouche dans certains cas. Inutile, et même dangereux de fait...

Si l'idée a été largement relayée et que certains l'ont défendue contre toute logique, c'est aussi qu'une société Chilienne baptisée Copper3D a profité du sujet pour s'offrir un très large coup de buzz.

copper 3D 1 Copper3D

Copper3D est une firme qui fabrique du filament dédié à l'impression 3D et qui a lancé un projet baptisé "NanoHack" avec la diffusion d'un modèle de masque à imprimer en 3D. Le projet met en avant un masque de protection à la norme N95 qui se veut plus performante qu'un simple masque chirurgical basique. Une trappe propose d'insérer un bout de tampon de démaquillage.

Le réel intérêt de ce masque ne se situe pas dans le modèle de masque, mais dans le filament utilisé puisque Copper3D propose du PLA bactéricide. La composition du PLA proposé par la marque le rend intéressant parce qu'il contient des agents qui ne permettent pas aux bactéries et virus de rester très longtemps vivants ou de se développer à sa surface.

La campagne de communication de la marque a plutôt bien marché puisque la firme a écoulé quasiment tous ses stocks de filaments en quelques jours, et ce auprès de la plupart de ses revendeurs. Fallait-il encore lire les petites lignes du projet qui indiquaient que le masque proposé nécessitait une validation sanitaire avant de pouvoir être accepté par les professionnels soignants...

Autre idée, autre concept : la visière de protection anti projection.

Puisque certaines voix se sont rapidement élevées (tant au sein des communautés de l'impression 3D que chez les professionnels de la santé) contre les masques imprimés en 3D, il fallait se tourner vers d'autres idées... Sont alors apparues les fameuses visières de protection.

Visière originale

L'idée est simple : un bandeau imprimé en 3D intègre des encoches sur lesquelles il suffit de venir fixer une pochette de couverture en PVC transparent. Cela crée un masque de protection qui limite les projections. Conjugué à de simples masques chirurgicaux, la protection est véritablement efficace et l'avantage est que la réalisation de ce type de protection est peu couteuse et ne nécessite rien de très élaboré.

Là encore, de nombreux makers se sont regroupés en associations (non officielles), se sont rapprochés des hôpitaux pour organiser des collectes... On a vu naitre des cagnottes en ligne visant la levée de fonds pour l'achat de matières premières nécessaires à la confection de ces visières...

Et si beaucoup de marques liées à l'impression 3D en France (notamment des fabricants de filament ou revendeurs d'imprimantes) ont annoncé faire des dons, nous avons droit à une exception avec la fameuse marque Dagoma.

Dagoma est actuellement dans la tourmente suite à l'annonce du lancement d'une vaste opération d'aider aux personnels soignants avec la vente de visières imprimées en 3D. Une situation qui est principalement due à la position délicate de la marque conjuguée à la nécessité d'agir en urgence ayant entrainé une communication trop floue.

La marque est ainsi pointée du doigt pour commercialiser des visières imprimées depuis un modèle proposé gratuitement et protégé par une licence open source CC-BY-NC-DD 4.0. La visière en question est une version modifiée de celle lancée il y a quelques jours par newshield.org, qui n'autorise pas la commercialisation de son modèle, puisque uniquement dédié aux dons.

Dagoma prix visières

Dagoma précise dans un premier temps qu'il s'agit d'un malentendu : le modèle en question a bien été imprimé par la firme pour des lots de visières offertes lors du lancement de l'opération auprès des hôpitaux de Paris. Or, pour des questions d'optimisation et de rendement, Dagoma a rapidement abandonné le modèle en question pour privilégier un modèle développé en interne, et c'est ce modèle totalement original qui est proposé à la vente. Si le malentendu est de rigueur, c'est avant tout que le modèle mis en avant sur la page de vente de Dagoma correspond au modèle open source cité plus haut, même si la marque n'exploite finalement pas cette version à des fins commerciales, un quiproquo qui a mis le feu aux poudres dans la journée d'hier.

Quant aux critiques concernant la vente des visières : la situation de Dagoma, placée en redressement judiciaire ne permet pas à la société de puiser dans sa trésorerie pour assumer de tels dons. Certes, les prix annoncés peuvent paraitre imposants (3,10€ pour chaque visière à partir de 50 pièces) alors qu'il ne faut que quelques centimes de filament pour les produire, mais les prix diminuent rapidement avec les quantités, et ce sont les frais logistiques qui handicapent véritablement l'action.

Dagoma Covid 19

Dagoma multiplie les communiqués depuis hier soir pour tenter d'expliquer sa situation, particulière du fait de son statut de société en redressement. Il est tout à fait logique que la société ne soit pas en mesure de procéder à des dons au sens où la communauté l'entend.

La firme nous a indiqué partager très prochainement son modèle de visière, allant jusqu'à proposer directement des GCode pour chaque machine de sa gamme afin de faciliter les choses au maximum pour les makers souhaitant prendre part au mouvement.