Introduction

Huit mois après le lancement de l' iPhone, la fièvre reprend le monde technophile à la sortie de l' iPhone 3G, évolution du modèle vers des réseaux cellulaires plus adaptés à ses ambitions d'outil par excellence de l'Internet mobile.

Sans atteindre le paroxysme de la fin 2007, les premières files d'acheteurs impatients ( ou très patients ) se sont formées devant les boutiques, avec un signal de départ donné cette fois depuis la Nouvelle-Zélande et l'Asie, fuseau horaire oblige.

Si 22 pays découvriront les joies de l'iPhone 3G dès le vendredi 11 juillet 2008, les adeptes français devront sagement attendre une semaine de plus, le 17 juillet, pour mettre la main sur le précieux terminal. Ainsi en a décidé son distributeur exclusif, Orange.

L'iPhone 3G vient couronner la réussite de l'entrée d'Apple sur le marché de la téléphonie mobile. Si le premier modèle visait avant tout à se faire un nom et une place sur le segment des terminaux mobiles aux fonctionnalités avancées, ce qu'il a réussi, cette nouvelle version va tenter de conquérir un public plus large.


Le temps de l'ouverture
Et pour cela, l' iPhone 3G joue sur plusieurs tableaux. Celui de l'amélioration des caractéristiques techniques, d'abord, avec l'apport de la 3G et du GPS. Celui du modèle de distribution ensuite, avec un retour à un schéma plus traditionnel. Celui de l'ouverture et de la professionnalisation, enfin, avec l'ouverture de l'App Store et des fonctions dédiées au monde de l'entreprise.

Aux conditions d'accès restrictives, au modèle distribution unique et de reversement d'une partie des revenus, Apple choisit en effet une voie plus classique, mieux acceptée par les opérateurs et permettant une disponibilité au plus grand nombre.

Désormais, après l'effet de mode, le temps est venu de l'effet de masse. La concurrence s'étant structurée, l'aspect différenciant de l'iPhone ne peut plus jouer autant en sa faveur. S'il reste un appareil de référence auquel sont confrontés les modèles des autres fabricants, c'est désormais sur le terrain de l'offre logicielle de sa plate-forme que la société va se démarquer.

L'importance donnée aux applications de l' App Store par Steve Jobs lors de son keynote de présentation début juin n'est pas anodine : c'est sur sa qualité que va se jouer une bonne partie de la stratégie mobile d'Apple. Combiner l'ergonomie de l'interface tactile et des applications sachant tirer parti de ses propriétés doit permettre à l'iPhone de conserver son statut de téléphone à part.

L'iPhone 3G, revu et corrigé

Apple iPhone 3G Le nouvel iPhone ressemble beaucoup au premier modèle : même affichage tactile lumineux, même aspect général, un arrondi légèrement modifié et des dimensions globalement très proches : 115,5 x 62,1 x 12,3 mm pour 133 g.

L'affichage possède une diagonale de 3,5" pour une résolution de 480 x 320 pixels, avec technologie tactile multitouch. La présence d'un accéléromètre permettra de passer en mode paysage en inclinant simplement l'appareil. Au dos, on trouvera un APN 2 mégapixels sans flash.

Comme pour son prédécesseur, il est disponible avec une capacité de stockage de 8 Go ou de 16 Go et embarque les connectivités sans fil WiFi et Buetooth. On appréciera la présence d'une prise jack 3,5 mm.

3G et GPS
Ce qui change principalement au niveau des caractéristiques, c'est la présence d'une fonctionnalité GPS avec support A-GPS, qui permettra de géotagguer les photos, et la compatibilité de la couche téléphonie avec les réseaux la 3G / HSDPA 3,6 Mbps.

Ce point en particulier est peut-être l'une des raisons expliquant pourquoi l' iPhone première version a décollé aux États-Unis mais n'a pas complètement répondu aux attentes en Europe. Nous avions déjà évoqué dans un précédent dossier le fait que l'iPhone EDGE était particulièrement destiné à un public nord-américain, pour lequel les réseaux 3G sont moins développés et donc moins essentiels.

Steve Jobs avait expliqué l'absence de la 3G en évoquant l'argument d'une surconsommation d'énergie pour ce type de composant. Cette vision est désormais oubliée et l'iPhone va pouvoir pleinement tirer parti de l'un de ses aspects les plus attractifs, l'accès à l' Internet mobile à tout moment et en tout lieu, sous réserve d'être dans la zone de couverture.


Tout n'est pas encore parfait
Voilà qui place l'appareil au même rang que la plupart de ses concurrents et à même de séduire un public plus vaste, même si certains petits défauts initiaux n'ont pas été gommés : absence de support des MMS, absence une fonction copier/coller, batterie inamovible, par exemple, et toujours pas de multitâche, même si un système de notification push devrait y remédier.

Concernant l'autonomie, justement, des efforts ont été faits, avec une autonomie annoncée de 10 heures en communication GSM est 5 heures en communication 3G. Malheureusement, les premiers tests semblent indiquer qu'elle chute rapidement dès que l'on combine certaines fonctions comme le GPS ou le push mail, un problème récurrent avec ce type de matériel.

Notons enfin que les nouveaux iPhone utilisent le firmware v2.0, celui qui permet l'accès aux applications de l'App Store et aux fonctions d'entreprise. Il sera téléchargeable également sur les iPhone EDGE.

En France, Orange conserve l'exclusivité de la distribution côté opérateurs. Il sera proposé le 17 juillet à partir de 149 € pour le modèle 8 Go et 199 € pour la version 16 Go, selon des modalités déjà évoquées au mois de juin.

Nouveau modèle économique

Lors du lancement de la première version de l' iPhone en 2007, Apple a créé la surprise en inventant un nouveau modèle économique par rapport aux opérateurs. Plutôt que de laisser ces derniers personnaliser et subventionner le terminal, la société n'a autorisé qu'un unique distributeur sur quelques marchés sélectionnés ( USA, Royaume-Uni, Allemagne, France ), sans subvention, portant le prix du seul téléphone à 400 € pour la version la plus abordable.

Mieux encore, la société a demandé à l'opérateur un pourcentage sur les revenus générés par l'utilisation du téléphone. Si les montants n'ont pas été révélés, les estimations se sont généralement portées sur 10 à 30%, voire 40% de reversement.

Qu'est-ce qui pouvait bien pousser les opérateurs à se battre pour accepter un tel marchandage ? La promesse de séduction du public et d'ergonomie du terminal pour les services mobiles, portée par la notoriété inouïe du téléphone dans les média.

Apple, débarquant pour la première fois sur le marché de la téléphonie, devait se faire un nom rapidement et trouver une façon de distinguer son produit par rapport à la concurrence. En jouant sur tous les tableaux ( design, fonctionnalités, distribution ), l' iPhone se singularisait et devenait un produit "à part".


Stratégie gagnante à court terme
La stratégie a parfaitement fonctionné aux Etats-Unis - l' iPhone est classé au troisième rang du marché mondial pour les smartphones -, un peu moins en Europe, où l'absence de 3G, de certaines fonctions basiques dans un marché de smartphones particulièrement bien étoffé et le prix n'ont pas convaincu autant de monde qu'espéré.

Qu'importe, il s'agissait de trouver sa place sur un secteur hyperconcurrentiel et les 6 millions de terminaux écoulés depuis le lancement en juin 2007 aux Etats-Unis, et en novembre de la même année en Europe, montrent que l'objectif est atteint.

Cependant, avec l' iPhone 3G, c'est une nouvelle phase de la stratégie mobile d' Apple qui se met en place. En effet, les fabricants concurrents ont eu le temps de réagir au choc de l' iPhone EDGE, devenu une sorte d'étalon pour smartphone ( on ne compte plus les titres du type " tel produit est-il un iPhone-killer ? " ), et proposent désormais des téléphones portables capables de rivaliser globalement avec ce dernier.


Globalisation de la distribution
L'intérêt et la différenciation se sont donc émoussés et l'effet " élitiste " du lancement, avec son prix que seuls les passionnés de la marque et les early adopters acceptent de payer, ne peut durer qu'un temps. Si Apple veut atteindre ses objectifs de vente, et maintenant qu'une base d'utilisateurs est implantée, il faut rendre le terminal plus abordable, à la fois en jouant sur le prix et sur les canaux de distribution.

D'où l'abandon du modèle de reversement et de la distribution exclusive, la mise en place d'une subvention du nouvel iPhone par les opérateurs et l'élargissement des marchés. En somme, un retour au modèle économique classique, avec l'appui d'un terminal plus performant mais aussi de son ouverture aux applications tierces et au monde professionnel, marquant définitivement son entrée dans le champ des smartphones, tout en restant soigneusement sous le contrôle d' Apple.

De quatre marchés en 2007, la diffusion de l'iPhone passe à 22 marchés initiaux en juillet 2008, avec un total de plus d'une soixantaine prévus d'ici la fin de l'année. Le prix de l'iPhone 3G chute : 199 dollars aux Etats-Unis, 149 € en France, voire offert avec l'abonnement pour certains opérateurs.

Extension de la plate-forme

L' iPhone EDGE devait séduire un public technophile, attiré par son style et son interface tactile à l'ergonomie soignée. L' iPhone 3G devra conquérir un plus vaste public grâce à ses performances améliorées, son prix abaissé et par son arme secrète : le firmware v2.

Apple a pris son temps ( mars 2008 ) pour ouvrir sa plate-forme aux développeurs tiers et proposer un kit de développement ( SDK ) leur permettant de créer des applications. Car l' iPhone, dans sa version initiale, et hors jailbreak, ne permettait pas d'ajouter de nouveaux logiciels. Cette fermeture volontaire a suscité la controverse : l' iPhone était-il à classer dans la catégorie smartphone ou téléphone multimédia ?

Le SDK a permis de préparer une des fonctionnalités essentielles du firmware v2 : l'accès à un unique canal de distribution des applications, l' App Store, soigneusement contrôlé par Apple, en contrepartie d'un généreux reversement de 70% des revenus aux éditeurs ( il est généralement de 45 à 55% sur les portails d'applications mobiles ).

Bien qu'Apple le montre assez peu, il s'agit d'un point essentiel de sa stratégie mobile. Un terminal  peut être plus ou moins facilement copié et finir par perdre de son aura. En revanche, l'expérience utilisateur d'un terminal mobile associé à une offre logicielle bien pensée est beaucoup plus difficile à reproduire.

 D'autant plus que cette offre est moins soumise aux cycles courts des mobiles. Pour son lancement, le 10 juillet, 500 applications ont été alignées, dont un quart gratuites et un bon nombre à un prix standard ne dépassant pas 9,99 dollars.

On notera que beaucoup d'entre elles utilisent les propriétés spécifiques de l' iPhone, son affichage tactile et son accéléromètre, pour créer une ergonomie nouvelle, permettant de créer de nouvelles façons d'utiliser son téléphone. Tous ces aspects sont également promis aux possesseurs d'un iPhone EDGE puisqu'il leur sera possible d'installer le firmware v2 sur leur machine.


L'iPhone, un terminal professionnel ?
L'autre point important du firmware v2 porte sur sa capacité à supporter des fonctionnalités d'entreprise. Push mail, chiffrement des communications, synchronisation via Microsoft Exchange ActiveSync, gestion des certificats doivent apporter les caractéristiques nécessaires à un usage professionnel.

D'abord circonspects, les analystes, comme Gartner, ont finalement modifié leur position vis à vis de l' iPhone et de son nouveau firmware, malgré quelques réserves. La conquête du marché professionnel représente également une étape décisive pour proposer un terminal polyvalent, à l'image des  derniers Blackberry de RIM, dont la croissance est portée par un élargissement de sa base d'utilisateurs professionnels vers un public plus large.

Le firmware v2 fait donc de l'iPhone un smartphone multifonctions à part entière, prêt à se confronter aux tenants du marché ( Symbian, Windows Mobile, Blackberry ) et surtout à s'épanouir dans la durée, alors que de nouveaux acteurs de poids s'apprêtent à débarquer ( Google Android, LiMo Platform... ).

La politique de contrôle étroit chère à Apple reste pourtant ferme : canal de distribution unique App Store,  contrôle de la conception et des fonctionnalités du hardware autant que des implications du software, ouverture limitée de la plate-forme...

A l'heure de l'ouverture des plates-formes mobiles ( Linux Mobile, Symbian Foundation ), la société choisit donc de maîtriser totalement son destin. Avec 6 millions de terminaux vendus et une prévision de 10 millions d'unités d'ici fin 2008, qui ne semble plus être trop difficile à atteindre, Apple a déjà gagné son pari d'occuper une vraie place dans la téléphonie mobile et d'en redéfinir un certain nombre de critères.