La croisade de la Recording Industry Association of America contre le téléchargement "sauvage" de contenus multimédia ne comporte pas que des victoires. Démonstration.

La RIAA (Recording Industry Association of America) représente les intérêts des principales compagnies éditrices ou productrices de contenus multimédia aux Etats-Unis. Depuis un an environ, cette association à but --très-- lucratif a décidé de traîner en justice tous les internautes adeptes du partage de fichiers sur lesquels elle parvenait à mettre la main. Et elle a réussi à obtenir gain de cause dans l'immense majorité des cas, exigeant même, sous la pression, des éditeurs de logiciels de partage de fichiers qu'ils se plient à ses exigences (voir notre news).

Cependant, un procès l'opposant à une adolescente américaine de 13 ans et à sa mère a pris une tournure un peu inatendue. Candy Chan, jeune mère d'une adolescente de 13 ans, le reconnaît bien volontiers: elle n'y connait rien en informatique. Lorsqu'elle a acheté un PC à sa fille, elle ignorait tous les usages que ce matériel bien pratique pouvait prodiguer. Evidemment, quand la RIAA est parvenue à remonter jusqu'au domicile des Chan, et leur a intenté un procés pour téléchargement illégal de contenu multimédia protégé, l'affaire semblait conclue d'avance.

Pourtant, c'était compter sans l'interprétation du droit faite par l'Honorable Juge Lawrence Zatkoff, présidant la Cour Fédérale de l'Etat du Michigan. Le juge a en effet, non seulement débouté la RIAA de sa demande, mais l'a en plus condamnée à indemniser la famille Chan pour le préjudice subi*. Dans son jugement, la Cour explique que le fait de traduire un mineur en justice sans demander la nomination d'un soutien juridique ad hoc** était contraire aux droits constitutionnels de l'accusée, et a ajouté que la mère de cette dernière, ne possédant aucune connaissance en informatique, ne pouvait légitimement se douter que sa fille ferait du PC familial un usage frauduleux...

En se prononçant de la sorte contre la RIAA, la Cour Fédérale de l'Etat du Michigan met ainsi fin à toutes les poursuites contre la famille Chan, coupant même les voies d'appel traditionnelles, puisqu'il s'agit, sur le fond, d'un problème constitutionnel. L'argument de la RIAA selon lequel Mme Chan était responsable des agissements de sa fille dans la mesure où elle lui avait fourni l'objet (le PC) permettant d'exercer une activité illégale est aussi tombé à plat.

Rien n'empêche la RIAA de retenter sa chance dans le futur autour de cas similaires, en prenant cette fois la précaution de faire nommer un représentant légal ad hoc pour le(s) mineur(s) poursuivi(s), mais se pose toujours la question de la responsabilité juridique d'adolescents dont les moyens financiers sont le plus souvent en inadéquation avec leur désir d'accéder à du contenu artistique.


* La pratique dite "dismiss with prejudice" est une particularité du droit américain, qui correspond à peu près à notre notion de dommages et intérêts dans une affaire civile: lorsque deux parties s'opposent devant une cour, si le plaignant est débouté au motif que sa plainte était infondée ou mal formulée, le défendant peut exiger d'être indemnisé pour le préjudice financier et/ou moral subi lors de la procédure. A cette différence près qu'en France, les deux parties ont la possibilité d'interjeter appel.

** La notion de Guardian Ad Litem (soutien juridique ad hoc) est propre au droit américain; elle exige d'une cour de justice qu'elle nomme, ou fasse choisir par les parties en présence, un représentant juridique spécifique en cas de procés contre un mineur. Ceci afin de s'assurer que les droits constitutionnels dudit mineur (droit de garder le silence, droit à une représentation juridique personnelle) sont respectés.


Source : Slashdot