Xavier Niel, patron d'Iliad, a répondu aux questions des députés fin janvier sur l'arrivée de Free Mobile sur le marché télécom français et les conséquences qui en découlent. Ce jour, c'était au tour de Stéphane Richard de s'expliquer devant l'Assemblée Nationale et d'évoquer son double rôle d'opérateur concurrent de Free Mobile mais aussi de partenaire via le contrat d'itinérance 3G.

Le PDG de France Télécom / Orange a exploité les données de l'observatoire de l'Arcep rappelant récemment que les prix dans les mobiles avait régressé de 12% entre 2006 e 2010 et quand les prix de divers secteurs n'avaient cessé d'augmenter, souvent de plus de 15%.

Il a défendu (aidé par le rapport de la Fédération Française des Télécoms publié la veille ) la marge d'Orange dans le mobile, estimée à 35%, " plutôt dans la moyenne basse par rapport à ce que nous faisons ailleurs (ndlr : sur les autres marchés où Orange est présent) " et a fustigé les remarques de Xavier Niel sur les consommateurs pris pour des pigeons : " je m'inscris en faux contre ces jugements à l'emporte-pièce et injustes sur la réalité du secteur avant l'arrivée du quatrième opérateur ", a-t-il indiqué.

Il a expliqué que ce niveau de marge était nécessaire pour appuyer les lourds investissements nécessaires dans les réseaux 2G et 3G. Stéphane Richard a rappelé le rôle du groupe dans l'économie française, dont la moitié du chiffre d'affaires est généré en France et qui représente 100 000 salariés, avec d'importantes retombées pour l'Etat (qui est aussi actionnaire). Il a aussi contesté la vision de Xavier Niel selon laquelle Free serait la seule société vertueuse dans les télécoms en affirmant qu'Orange offre "une répartition de la valeur équilibrée entre la part des salariés et les créations d'emploi".


L'itinérance 3G, ce sujet si délicat
Concernant son accord d'itinérance 3G avec Free Mobile, Stéphane Richard n'est pas entré dans les détails. Il n'a pas donné de chiffres sur la réalité du réseau Free Mobile et la part du trafic supporté par Orange, se contentant d'indiquer que les opérations étaient suivies de près pour éviter tout dysfonctionnement des montées en charge et éviter une saturation des réseaux 3G.

Tout en saluant l'initiative de l'Arcep de vérifier de nouveau la couverture du réseau Free Mobile, Stéphane Richard a tout de même lancé quelques piques sur la pertinence des méthodes de l'Autorité, suggérant qu'il existe beaucoup de facteurs à prendre en compte et que " des antennes physiques ne sont en rien une mesure du réseau ", puisqu'il est possible de jouer sur leur activation en prévision du contrôle par l'Arcep et sur la puissance d'émission.

Le patron d'Orange ne s'est pas trop avancé sur le sujet car les méthodes de l'Arcep étant les mêmes pour tous les opérateurs, le terrain est délicat et il ne faudrait pas qu'on les soupçonne d'avoir pratiqué ce qu'ils suggèrent chez le nouvel entrant.

Comme Pierre Louette, secrétaire général de France Télécom, Stéphane Richard déporte les critiques concernant le contrat d'itinérance 3G vers les négociations sur les terminaisons d'appel qui seraient en réalité le coeur de la stratégie Free Mobile pour casser les prix.


Les terminaisons d'appel restent le vrai combat contre Free
Comme Frank Esser, PDG de SFR, il refuse une asymétrie des prix des terminaisons d'appel trop favorable au nouvel entrant  (la fameuse demande de Free pour une terminaison d'appel des SMS à 2,85 centimes) et n'envisage qu'une légère asymétrie sur les terminaisons d'appel voix. Stéphane Richard compte fermement plaider cet aspect devant l'Arcep, avec un autre argument : ce modèle n'est pas tenable dans la durée.

Si la stratégie de Free repose bien sur l'asymétrie des terminaisons d'appel, et si le nouvel entrant obtient gain de cause, cela ne peut s'envisager dans la durée : " si par malheur Free obtenait ce niveau d'asymétrie sur les SMS, cela sera provisoire. Quelle sera la soutenabilité du modèle de Free quand il n'y en aura plus ? " argumente-t-il, remettant implicitement en valeur la charge représentée par le coût de l'itinérance 3G d'Orange pour Free Mobile, ce qui affaiblit les critiques selon lesquelles l'itinérance 3G est la cause des prix bas de Free Mobile.

L'argument reste toutefois bancal car il n'a jamais été question de maintenir l'asymétrie des terminaisons d'appel sur une longue durée. L'Arcep, dans ses propositions de plafonnement, a clairement fait entendre qu'elle prévoyait que Free Mobile finirait par rejoindre les autres opérateurs sur cet aspect, une fois que l'opérateur disposerait d'une couverture suffisamment étendue.

Si une forte asymétrie immédiate aiderait en effet Free Mobile à maintenir des prix très bas et mettrait en difficulté les opérateurs, on peut douter du fait que le nouvel entrant ne joue l'essentiel de la pérennité de son modèle économique que sur cette donnée, en espérant que l'Arcep maintiendra longtemps une différence significative.