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HADOPI : l'opération Usine à gaz continue

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RVG
http://www.maitre-eolas.fr/post/2010/06/29/HADOPI-%3A-l-opération-Usine-à-gaz-continue

Par Eolas le Mardi 29 juin 2010 à 12:00 :: Actualité du droit :: Lien
permanent

Petit à petit, l’HADOPI fait son nid. Les décrets d’application
commencent à sortir (on en attend quatre, les deux principaux étant la
définition de la contravention de négligence caractérisée et la
procédure, le premier est sorti). Et on nous promet une mise en
mouvement pour… bientôt.

Rappelons ici un point essentiel : l’HADOPI est une autorité
administrative ne prenant aucune part à la répression du téléchargement
illicite. C’est une autre entité, la Commission de Protection des Droits
(CPD), rattachée administrativement à la HADOPI (partage des locaux,
budget unique de fonctionnement) qui s’en charge, mais aucun membre de
la HADOPI ne peut siéger à la CPD et vice-versa (art. L.331-17 du Code
de la propriété intellectuelle, CPI). Ainsi, la HADOPI est présidée par
madame Marie-Françoise Marais, tandis que la CPD, composée de trois
membres (un conseiller d’État, un conseiller à la Cour de cassation et
un magistrat de la Cour des comptes) est présidée par madame Mireille
Imbert-Quaretta, conseiller d’État.

La HADOPI proprement dite ne nous intéresse pas. Sans vouloir vexer ses
membres, elle ne sert à rien. Pour vous en convaincre, lisez l’article
L.331-13 du CPI qui définit son rôle. Je graisse.

La Haute Autorité assure :

1° Une mission d’encouragement au développement de l’offre légale
et d’observation de l’utilisation licite et illicite des œuvres et des
objets auxquels est attaché un droit d’auteur ou un droit voisin sur les
réseaux de communications électroniques utilisés pour la fourniture de
services de communication au public en ligne ;

2° Une mission de protection de ces œuvres et objets à l’égard des
atteintes à ces droits commises sur les réseaux de communications
électroniques utilisés pour la fourniture de services de communication
au public en ligne ;

3° Une mission de régulation et de veille dans le domaine des
mesures techniques de protection et d’identification des œuvres et des
objets protégés par un droit d’auteur ou par un droit voisin.

Au titre de ces missions, la Haute Autorité peut recommander toute
modification législative ou réglementaire. Elle peut être consultée par
le Gouvernement sur tout projet de loi ou de décret intéressant la
protection des droits de propriété littéraire et artistique. Elle peut
également être consultée par le Gouvernement ou par les commissions
parlementaires sur toute question relative à ses domaines de compétence.

Sa mission se résume à émettre des avis, son plus grand pouvoir étant la
possibilité d’émettre un avis même si on ne le lui demande pas. En tout
cas sa consultation n’est jamais obligatoire. Et tout ça pour la modique
somme de 6,3 millions en 2009, avant même qu’elle ne fonctionne
effectivement. Fermez le ban.

C’est au niveau de la CPD que ça se passera.

La CPD a en charge de recevoir et traiter les procès verbaux dressés par
les agents assermentés des sociétés d’ayant-droits (SACEM et autres) qui
relèveront que telle œuvre a été téléchargée par telle IP. On parle de
10 000 œuvres surveillées, moitié musicales, moitié audiovisuelles,
réparties entre des classiques indémodables et des nouveautés amenées à
changer régulièrement.

La CPD, composée de trois membres, six en comptant leurs suppléants,
doit délibérer pour chacun de ces cas avant d’envoyer un courrier
électronique d’avertissement au titulaire de l’adresse IP repérée (ce
sera l’adresse de contact donnée au FAI), puis la lettre recommandée si
malgré un e-mail, le même titulaire d’un abonnement se fait à nouveau
repérer (les modalités étant attendues dans le décret “procédure”). Pour
info, les représentants des ayant-droits, assoiffés de répression
parlent sans rire de 50 000 signalements par jour.

La suspension de l’abonnement, menace suprême, ne pourra être prononcée
que par un juge de police, prononçant une condamnation pour une
contravention de « négligence caractérisée », après saisine du parquet,
après transmission du dossier par la CPD.

Et cette contravention, on en a désormais le texte (Décret n° 2010-695
du 25 juin 2010 instituant une contravention de négligence caractérisée
protégeant la propriété littéraire et artistique sur internet, JORF
n°0146 du 26 juin 2010 page 11536, texte n° 11). Comme disait la
présidente de la CPD devant la commission des affaires culturelles de
l’Assemblée nationale, qui avait pu lire le projet de décret, « le
résultat est d’une étonnante subtilité. » Traduire : “Ça a été écrit par
un Orc”.

Accrochez-vous, et n’hésitez pas à lire à haute voix.

Article R. 335-1 nouveau du CPI :

I. ― Constitue une négligence caractérisée, punie de l’amende
prévue pour les contraventions de la cinquième classe, le fait, sans
motif légitime, pour la personne titulaire d’un accès à des services de
communication au public en ligne, lorsque se trouvent réunies les
conditions prévues au II :

1° Soit de ne pas avoir mis en place un moyen de sécurisation de
cet accès ;

2° Soit d’avoir manqué de diligence dans la mise en œuvre de ce moyen.

II. ― Les dispositions du I ne sont applicables que lorsque se
trouvent réunies les deux conditions suivantes :

1° En application de l’article L. 331-25 et dans les formes prévues
par cet article, le titulaire de l’accès s’est vu recommander par la
commission de protection des droits de mettre en œuvre un moyen de
sécurisation de son accès permettant de prévenir le renouvellement d’une
utilisation de celui-ci à des fins de reproduction, de représentation ou
de mise à disposition ou de communication au public d’œuvres ou d’objets
protégés par un droit d’auteur ou par un droit voisin sans
l’autorisation des titulaires des droits prévus aux livres Ier et II
lorsqu’elle est requise ;

2° Dans l’année suivant la présentation de cette recommandation,
cet accès est à nouveau utilisé aux fins mentionnées au 1° du présent II.

III. ― Les personnes coupables de la contravention définie au I
peuvent, en outre, être condamnées à la peine complémentaire de
suspension de l’accès à un service de communication au public en ligne
pour une durée maximale d’un mois, conformément aux dispositions de
l’article L. 335-7-1.

Un petit mot à mes amis parquetiers. Je sais que nous nous disputons
souvent dans le prétoire. Nous avons curieusement des visions
irréconciliables des mêmes dossiers. C’est ainsi, nous sommes
adversaires. Mais quel que soit le fossé qui nous sépare, je vous
respecte et je pense que vous n’avez pas mérité ça. Bon courage en tout
cas pour caractériser les éléments de l’infraction à l’audience.

Mon Dieu ! Mon Dieu ! Mon Dieu ! Mais il y a un concours de mauvaise
rédaction de textes législatifs, ou quoi ? Quelle horreur ! Des éléments
constitutifs repoussés dans un second paragraphe, et pas moins de six
renvois textuels pour une contravention. “Étonnante subtilité” : ce sont
justement les mots que j’utilise quand ma fille me tend les yeux remplis
de fierté l’ignoble gribouillage marron agrémenté de plumes roses
collées au milieu qu’elle a fait pour moi au centre de loisir.

Tenez, je vais tenter de ré-écrire ce texte de manière plus lisible en
ôtant les scories.

“Constitue une négligence caractérisée, punie de l’amende prévue pour
les contraventions de la cinquième classe, le fait, sans motif légitime,
pour la personne titulaire d’un accès à des services de communication au
public en ligne ayant fait l’objet d’une recommandation de sécurisation
de cet accès par la commission de protection des droits en application
de l’article L. 331-25, de ne pas avoir mis en place un moyen de
sécurisation de cet accès ou d’avoir manqué de diligence dans la mise en
œuvre de ce moyen si cet accès est à nouveau utilisé aux mêmes fins
frauduleuses dans l’année qui suit cette recommandation.”

Voilà. Ça dit la même chose, mais en plus simple.

Et force m’est de constater qu’en l’état, cette contravention est
inapplicable.

Cette contravention suppose au préalable que le prévenu fasse l’objet
d’une recommandation par la CPD car son abonnement a été utilisé pour
télécharger (peu importe que ce soit par lui ou par un pirate, on ne se
pose pas la question). Cette recommandation s’entend de la lettre
recommandée, et non du premier mail d’avertissement sans frais. Si dans
l’année qui suit la réception de cette recommandation, le même
abonnement est à nouveau repéré en train de télécharger une œuvre
protégée, la contravention peut être constituée. Mais il faut encore au
pauvre parquetier prouver que la sécurisation n’a pas eu lieu ou a eu
lieu tardivement, ce qui revient au même.

Car dans sa rédaction actuelle, le décret a fait de ce défaut de
sécurisation un élément constitutif et non une exception. Et ça change tout.

Un élément constitutif doit être prouvé par le parquet (présomption
d’innocence oblige). Une exception, au contraire, doit être prouvée par
le prévenu pour échapper à la condamnation. Pensez à l’exception de
légitime défense pour des violences.

Il y a bien une exception dans la contravention : c’est l’exception de
motif légitime (notez les mots : “est puni le fait, sans motif légitime,
pour la personne titulaire…” Si le prévenu établit qu’il avait un motif
légitime de ne pas avoir sécurisé son accès (e.g. : il était en
déplacement à l’étranger entre l’arrivée de la lettre AR et le deuxième
usage frauduleux), il sera relaxé, mais c’est à lui de l’établir, et non
au parquet d’établir l’absence de motif légitime.

Mais le défaut de sécurisation de l’accès n’est pas une exception, c’est
un élément constitutif. Au parquet de le prouver.

De même, la rédaction actuelle ne permet pas de dire que le
renouvellement de l’usage frauduleux établit le défaut de sécurisation.
Ce sont des éléments distincts car un usage frauduleux peut avoir lieu
malgré une sécurisation, et dans ce cas il n’y a pas négligence
caractérisée du titulaire de l’abonnement — mais malveillance
caractérisée du pirate.

Comment cette preuve pourra-t-elle être rapportée ? En diligentant une
enquête de police voire une instruction avec expertise. Lourd et
coûteux, et aux antipodes de la logique de la loi qui voulait une
machine à suspendre les abonnements. Ou à travers les auditions des
abonnés concernés par la CPD, mais cette audition n’a lieu qu’à la
demande de l’intéressé (art. L. 331-21-1 du CPI).

Heureusement pour le parquet, la CPD opère une opération de filtrage des
dossiers. Il ne devrait pas en voir arriver beaucoup sur son bureau.
Surtout quand on sait que le représentant judiciaire à la CPD est le
Conseiller à la Cour de cassation Jean-Yves Montfort, que j’ai pratiqué
comme président de la 17e chambre (celle de la presse) et de la chambre
de l’instruction de Versailles. C’est un excellent magistrat, très
respectueux des droits de la défense, et rigoureux dans son application
du droit. Mes lecteurs ont déjà pu apprécier son style ici. Il y aura
donc filtrage, et les mailles seront serrées.

En tout état de cause, cette contravention me paraît de fait
incompatible avec la procédure d’ordonnance pénale, qui suppose des
faits parfaitement établis. La machine à suspendre les abonnements
pourrait bien être une machine à relaxer.

Quant en traiter 50 000 par jour…

Je citerai pour conclure la lucidité de la présidente de la CPD, qui
devant la commission des affaires culturelles, rappelait que s’agissant
d’une contravention, l’article 40 du Code de procédure pénale ne
s’applique pas, et que jamais la CPD n’est obligée de transmettre :
“elle peut transmettre comme elle peut ne pas transmettre”.

“Elle peut ne pas”. Tout est dit.

Vous voyez qu’on pouvait faire simple, dans cette affaire.

--
Internet is People

http://rvgmusic.bandcamp.com/
http://www.jamendo.com/fr/user/RVG95

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abourick
RVG a écrit :
http://www.maitre-eolas.fr/post/2010/06/29/HADOPI-%3A-l-opération-Usine-à-gaz-continue


Par Eolas le Mardi 29 juin 2010 à 12:00 :: Actualité du droit :: Lien
permanent

Petit à petit, l’HADOPI fait son nid. Les décrets d’application
commencent à sortir (on en attend quatre, les deux principaux étant la
définition de la contravention de négligence caractérisée et la
procédure, le premier est sorti). Et on nous promet une mise en
mouvement pour… bientôt.

Rappelons ici un point essentiel : l’HADOPI est une autorité
administrative ne prenant aucune part à la répression du téléchargement
illicite. C’est une autre entité, la Commission de Protection des Droits
(CPD), rattachée administrativement à la HADOPI (partage des locaux,
budget unique de fonctionnement) qui s’en charge, mais aucun membre de
la HADOPI ne peut siéger à la CPD et vice-versa (art. L.331-17 du Code
de la propriété intellectuelle, CPI). Ainsi, la HADOPI est présidée par
madame Marie-Françoise Marais, tandis que la CPD, composée de trois
membres (un conseiller d’État, un conseiller à la Cour de cassation et
un magistrat de la Cour des comptes) est présidée par madame Mireille
Imbert-Quaretta, conseiller d’État.

La HADOPI proprement dite ne nous intéresse pas. Sans vouloir vexer ses
membres, elle ne sert à rien. Pour vous en convaincre, lisez l’article
L.331-13 du CPI qui définit son rôle. Je graisse.

La Haute Autorité assure :

1° Une mission d’encouragement au développement de l’offre légale et
d’observation de l’utilisation licite et illicite des œuvres et des
objets auxquels est attaché un droit d’auteur ou un droit voisin sur les
réseaux de communications électroniques utilisés pour la fourniture de
services de communication au public en ligne ;

2° Une mission de protection de ces œuvres et objets à l’égard des
atteintes à ces droits commises sur les réseaux de communications
électroniques utilisés pour la fourniture de services de communication
au public en ligne ;

3° Une mission de régulation et de veille dans le domaine des
mesures techniques de protection et d’identification des œuvres et des
objets protégés par un droit d’auteur ou par un droit voisin.

Au titre de ces missions, la Haute Autorité peut recommander toute
modification législative ou réglementaire. Elle peut être consultée par
le Gouvernement sur tout projet de loi ou de décret intéressant la
protection des droits de propriété littéraire et artistique. Elle peut
également être consultée par le Gouvernement ou par les commissions
parlementaires sur toute question relative à ses domaines de compétence.

Sa mission se résume à émettre des avis, son plus grand pouvoir étant la
possibilité d’émettre un avis même si on ne le lui demande pas. En tout
cas sa consultation n’est jamais obligatoire. Et tout ça pour la modique
somme de 6,3 millions en 2009, avant même qu’elle ne fonctionne
effectivement. Fermez le ban.

C’est au niveau de la CPD que ça se passera.

La CPD a en charge de recevoir et traiter les procès verbaux dressés par
les agents assermentés des sociétés d’ayant-droits (SACEM et autres) qui
relèveront que telle œuvre a été téléchargée par telle IP. On parle de
10 000 œuvres surveillées, moitié musicales, moitié audiovisuelles,
réparties entre des classiques indémodables et des nouveautés amenées à
changer régulièrement.

La CPD, composée de trois membres, six en comptant leurs suppléants,
doit délibérer pour chacun de ces cas avant d’envoyer un courrier
électronique d’avertissement au titulaire de l’adresse IP repérée (ce
sera l’adresse de contact donnée au FAI), puis la lettre recommandée si
malgré un e-mail, le même titulaire d’un abonnement se fait à nouveau
repérer (les modalités étant attendues dans le décret “procédure”). Pour
info, les représentants des ayant-droits, assoiffés de répression
parlent sans rire de 50 000 signalements par jour.

La suspension de l’abonnement, menace suprême, ne pourra être prononcée
que par un juge de police, prononçant une condamnation pour une
contravention de « négligence caractérisée », après saisine du parquet,
après transmission du dossier par la CPD.

Et cette contravention, on en a désormais le texte (Décret n° 2010-695
du 25 juin 2010 instituant une contravention de négligence caractérisée
protégeant la propriété littéraire et artistique sur internet, JORF
n°0146 du 26 juin 2010 page 11536, texte n° 11). Comme disait la
présidente de la CPD devant la commission des affaires culturelles de
l’Assemblée nationale, qui avait pu lire le projet de décret, « le
résultat est d’une étonnante subtilité. » Traduire : “Ça a été écrit par
un Orc”.

Accrochez-vous, et n’hésitez pas à lire à haute voix.

Article R. 335-1 nouveau du CPI :

I. ― Constitue une négligence caractérisée, punie de l’amende prévue
pour les contraventions de la cinquième classe, le fait, sans motif
légitime, pour la personne titulaire d’un accès à des services de
communication au public en ligne, lorsque se trouvent réunies les
conditions prévues au II :

1° Soit de ne pas avoir mis en place un moyen de sécurisation de cet
accès ;

2° Soit d’avoir manqué de diligence dans la mise en œuvre de ce moyen.

II. ― Les dispositions du I ne sont applicables que lorsque se
trouvent réunies les deux conditions suivantes :

1° En application de l’article L. 331-25 et dans les formes prévues
par cet article, le titulaire de l’accès s’est vu recommander par la
commission de protection des droits de mettre en œuvre un moyen de
sécurisation de son accès permettant de prévenir le renouvellement d’une
utilisation de celui-ci à des fins de reproduction, de représentation ou
de mise à disposition ou de communication au public d’œuvres ou d’objets
protégés par un droit d’auteur ou par un droit voisin sans
l’autorisation des titulaires des droits prévus aux livres Ier et II
lorsqu’elle est requise ;

2° Dans l’année suivant la présentation de cette recommandation, cet
accès est à nouveau utilisé aux fins mentionnées au 1° du présent II.

III. ― Les personnes coupables de la contravention définie au I
peuvent, en outre, être condamnées à la peine complémentaire de
suspension de l’accès à un service de communication au public en ligne
pour une durée maximale d’un mois, conformément aux dispositions de
l’article L. 335-7-1.

Un petit mot à mes amis parquetiers. Je sais que nous nous disputons
souvent dans le prétoire. Nous avons curieusement des visions
irréconciliables des mêmes dossiers. C’est ainsi, nous sommes
adversaires. Mais quel que soit le fossé qui nous sépare, je vous
respecte et je pense que vous n’avez pas mérité ça. Bon courage en tout
cas pour caractériser les éléments de l’infraction à l’audience.

Mon Dieu ! Mon Dieu ! Mon Dieu ! Mais il y a un concours de mauvaise
rédaction de textes législatifs, ou quoi ? Quelle horreur ! Des éléments
constitutifs repoussés dans un second paragraphe, et pas moins de six
renvois textuels pour une contravention. “Étonnante subtilité” : ce sont
justement les mots que j’utilise quand ma fille me tend les yeux remplis
de fierté l’ignoble gribouillage marron agrémenté de plumes roses
collées au milieu qu’elle a fait pour moi au centre de loisir.

Tenez, je vais tenter de ré-écrire ce texte de manière plus lisible en
ôtant les scories.

“Constitue une négligence caractérisée, punie de l’amende prévue pour
les contraventions de la cinquième classe, le fait, sans motif légitime,
pour la personne titulaire d’un accès à des services de communication au
public en ligne ayant fait l’objet d’une recommandation de sécurisation
de cet accès par la commission de protection des droits en application
de l’article L. 331-25, de ne pas avoir mis en place un moyen de
sécurisation de cet accès ou d’avoir manqué de diligence dans la mise en
œuvre de ce moyen si cet accès est à nouveau utilisé aux mêmes fins
frauduleuses dans l’année qui suit cette recommandation.”

Voilà. Ça dit la même chose, mais en plus simple.

Et force m’est de constater qu’en l’état, cette contravention est
inapplicable.

Cette contravention suppose au préalable que le prévenu fasse l’objet
d’une recommandation par la CPD car son abonnement a été utilisé pour
télécharger (peu importe que ce soit par lui ou par un pirate, on ne se
pose pas la question). Cette recommandation s’entend de la lettre
recommandée, et non du premier mail d’avertissement sans frais. Si dans
l’année qui suit la réception de cette recommandation, le même
abonnement est à nouveau repéré en train de télécharger une œuvre
protégée, la contravention peut être constituée. Mais il faut encore au
pauvre parquetier prouver que la sécurisation n’a pas eu lieu ou a eu
lieu tardivement, ce qui revient au même.

Car dans sa rédaction actuelle, le décret a fait de ce défaut de
sécurisation un élément constitutif et non une exception. Et ça change
tout.

Un élément constitutif doit être prouvé par le parquet (présomption
d’innocence oblige). Une exception, au contraire, doit être prouvée par
le prévenu pour échapper à la condamnation. Pensez à l’exception de
légitime défense pour des violences.

Il y a bien une exception dans la contravention : c’est l’exception de
motif légitime (notez les mots : “est puni le fait, sans motif légitime,
pour la personne titulaire…” Si le prévenu établit qu’il avait un motif
légitime de ne pas avoir sécurisé son accès (e.g. : il était en
déplacement à l’étranger entre l’arrivée de la lettre AR et le deuxième
usage frauduleux), il sera relaxé, mais c’est à lui de l’établir, et non
au parquet d’établir l’absence de motif légitime.

Mais le défaut de sécurisation de l’accès n’est pas une exception, c’est
un élément constitutif. Au parquet de le prouver.

De même, la rédaction actuelle ne permet pas de dire que le
renouvellement de l’usage frauduleux établit le défaut de sécurisation.
Ce sont des éléments distincts car un usage frauduleux peut avoir lieu
malgré une sécurisation, et dans ce cas il n’y a pas négligence
caractérisée du titulaire de l’abonnement — mais malveillance
caractérisée du pirate.

Comment cette preuve pourra-t-elle être rapportée ? En diligentant une
enquête de police voire une instruction avec expertise. Lourd et
coûteux, et aux antipodes de la logique de la loi qui voulait une
machine à suspendre les abonnements. Ou à travers les auditions des
abonnés concernés par la CPD, mais cette audition n’a lieu qu’à la
demande de l’intéressé (art. L. 331-21-1 du CPI).

Heureusement pour le parquet, la CPD opère une opération de filtrage des
dossiers. Il ne devrait pas en voir arriver beaucoup sur son bureau.
Surtout quand on sait que le représentant judiciaire à la CPD est le
Conseiller à la Cour de cassation Jean-Yves Montfort, que j’ai pratiqué
comme président de la 17e chambre (celle de la presse) et de la chambre
de l’instruction de Versailles. C’est un excellent magistrat, très
respectueux des droits de la défense, et rigoureux dans son application
du droit. Mes lecteurs ont déjà pu apprécier son style ici. Il y aura
donc filtrage, et les mailles seront serrées.

En tout état de cause, cette contravention me paraît de fait
incompatible avec la procédure d’ordonnance pénale, qui suppose des
faits parfaitement établis. La machine à suspendre les abonnements
pourrait bien être une machine à relaxer.

Quant en traiter 50 000 par jour…

Je citerai pour conclure la lucidité de la présidente de la CPD, qui
devant la commission des affaires culturelles, rappelait que s’agissant
d’une contravention, l’article 40 du Code de procédure pénale ne
s’applique pas, et que jamais la CPD n’est obligée de transmettre :
“elle peut transmettre comme elle peut ne pas transmettre”.

“Elle peut ne pas”. Tout est dit.

Vous voyez qu’on pouvait faire simple, dans cette affaire.





Ces "brillantes" usines à gaz ne servent qu'à gaspiller l'argent de la
nation et à pourvoir le personnel politique en juteux fromages.
Avatar
HarmagGedon
On 1 juil, 02:59, RVG wrote:
http://www.maitre-eolas.fr/post/2010/06/29/HADOPI-%3A-l-opération-Usine -à-gaz-continue




Un IP n'est pas une carte d'identité.
Aucune loi n'interdit de partager de façon anonyme une connection
internet.

selon moi, si on veut imposer un dispositif qui bloque les
téléchargements illicites, il faudrait l'imposer aux fabricants de
boitiers de connections ou mieux, aux fournisseurs d'accès.
Si on ne peut pas obtenir de professionnels qu'ils prennent en charge
la technique, comment peut-on croire que les particuliers en seront
capables ?

Par exemple j'ai souvent des amis qui viennent à la maison et se
branchent sur internet avec ma connection.
Est-ce que le fait d'avoir installé un logiciel sur mon ordinateur
protège ma connection ?

je n'ai pas la compétence pour le savoir et je ne veux même pas en
entendre parler.
Moi je considère que ce n'est pas mon problème.

En fait, avec la logique Adopi, le jour ou vous serez victime d'un
vol,
vous recevrez un courrier du tribunal vous enjoignant d'installer un
dispositif x ou y sous peine d'être verbalisé la prochaine fois que
vous êtes cambriolé.
Avatar
Albert ARIBAUD
Le Thu, 01 Jul 2010 00:07:18 -0700, HarmagGedon a écrit :

On 1 juil, 02:59, RVG wrote:
http://www.maitre-eolas.fr/post/2010/06/29/HADOPI-%3A-l-opération-




Usine-à-gaz-continue




Un IP n'est pas une carte d'identité. Aucune loi n'interdit de partager
de façon anonyme une connection internet.



Euh... si. Toute personne fournissant un accès au net (ce qui inclut le
titulaire d'un accès et qui en ouvre l'usage à d'autres, même à titre
gratuit) est tenue de conserver les éléments propres à identifier ces
utilisateurs.

Par ailleurs l'IP n'est pas la carte d'identité de celui qui commet un
délit à travers cette IP, mais HADOPI ne vise pas celui qui commet ce
délit : elle vise le titulaire de l'accès, qui n'est pas nécessairement
l'auteur de l'infraction originale mais est fautif de non sécurisation de
son accès. Dans cette optique, l'IP est bien une carte d'identité, celle
du titulaire de l'accès.

selon moi, si on veut imposer un dispositif qui bloque les
téléchargements illicites, il faudrait l'imposer aux fabricants de
boitiers de connections ou mieux, aux fournisseurs d'accès. Si on ne
peut pas obtenir de professionnels qu'ils prennent en charge la
technique, comment peut-on croire que les particuliers en seront
capables ?



Donc selon vous il faut imposer à tous les citoyens un contrôle de leur
accès à internet par des intérêts privés ?

Par exemple j'ai souvent des amis qui viennent à la maison et se
branchent sur internet avec ma connection. Est-ce que le fait d'avoir
installé un logiciel sur mon ordinateur protège ma connection ?



Je suppose qu'on parle de logiciels de sécurisations tels qu'évoqués par
la loi ? La réponse est "allez savoir" et "lisez le billet d'Eolas, qui
vous indiquera quelques éléments intéressants sur ce que demande
réellement la loi".

je n'ai pas la compétence pour le savoir et je ne veux même pas en
entendre parler.
Moi je considère que ce n'est pas mon problème.



La loi considère que ce qui passe par votre accès est votre problème ; et
la loi s'impose à nous, bonne ou mauvaise.

En fait, avec la logique Adopi, le jour ou vous serez victime d'un vol,
vous recevrez un courrier du tribunal vous enjoignant d'installer un
dispositif x ou y sous peine d'être verbalisé la prochaine fois que vous
êtes cambriolé.



C'est assez inexact, comme description.

Amicalement,
--
Albert.
Avatar
Yop
Ces "brillantes" usines à gaz ne servent qu'à gaspiller l'argent de la
nation et à pourvoir le personnel politique en juteux fromages.



et à servir les intérêts de lobbies privés.
Avatar
abourick
Yop a écrit :
Ces "brillantes" usines à gaz ne servent qu'à gaspiller l'argent de la
nation et à pourvoir le personnel politique en juteux fromages.



et à servir les intérêts de lobbies privés.




Même pas puisque la montagne hadopi n'accouchera que d'une souris.
Avatar
Tr
*Ecrit* *par* *abourick*:
Yop a écrit :
Ces "brillantes" usines à gaz ne servent qu'à gaspiller l'argent
de la nation et à pourvoir le personnel politique en juteux
fromages.



et à servir les intérêts de lobbies privés.




Même pas puisque la montagne hadopi n'accouchera que d'une souris.



non, elle acouchera d'une "licence globale" qu'on paiera tous et qui
ira combler les déficits des majors, qui se reposent sur leurs lauriers
en attendant que ça tombe du ciel.

parce que tout le monde est ok pour penser qu'hadopi ne relancera pas
le business des majors, ni en musique ni en cinéma, et qu s'ils veulent
continuer à se goinfrer il faudra bien la mettre en place, cette
licence globale que tout le monde appelle sans réfléchir (ce n'est rien
qu'un nouvel impôt sur "les arts" qui va aller non pas aux créateurs
mais aux exploiteurs)

la solution:
laisser le temps aux artistes de prendre conscience de l'inutilité des
intermédiaires pour diffuser leurs créations.
ça vient

--
Je n'ai pas fait des enfants pour qu'ils m'obéissent au doigt et à
l'oeil. (Réflexion)

Avatar
Tr
*Ecrit* *par* *Albert ARIBAUD*:
Le Thu, 01 Jul 2010 00:07:18 -0700, HarmagGedon a écrit :


...
En fait, avec la logique Adopi, le jour ou vous serez victime d'un
vol, vous recevrez un courrier du tribunal vous enjoignant
d'installer un dispositif x ou y sous peine d'être verbalisé la
prochaine fois que vous êtes cambriolé.



C'est assez inexact, comme description.



moi je vois plutôt ça comme ça:
on te pique ta voiture, et avec, on cambriole un magasin, on remplit ta
voiture de dvd (films, musiques) et de livres.
ensuite, les gars transvasent où ils veulent leur butin, ta voiture est
retrouvée et c'est toi qui trinque.
non?

--
Il faut avant tout travailler ses points forts. (Réflexion)

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Guenol
Bonjour,

Le 01-07-2010, Albert ARIBAUD nous racontait :
Euh... si. Toute personne fournissant un accès au net (ce qui inclut le
titulaire d'un accès et qui en ouvre l'usage à d'autres, même à titre
gratuit) est tenue de conserver les éléments propres à identifier ces
utilisateurs.



Sur que repose cette affirmation ?
Je veux bien que les opérateurs déclarés aient des obligations, mais
pour les autres cette affirmation m'a toujours laissé perplexe.

Par ailleurs l'IP n'est pas la carte d'identité de celui qui commet un
délit à travers cette IP, mais HADOPI ne vise pas celui qui commet ce
délit : elle vise le titulaire de l'accès, qui n'est pas nécessairement
l'auteur de l'infraction originale mais est fautif de non sécurisation de
son accès. Dans cette optique, l'IP est bien une carte d'identité, celle
du titulaire de l'accès.



Bof, ca se tien pour les connexions résidentielles, et encore.
Et il existe suffisamment de contres exemples (Connexions mobiles natés,
réseaux d'entreprises proxiés...) pour contredire cette affirmation.

Je suppose qu'on parle de logiciels de sécurisations tels qu'évoqués par
la loi s'impose à nous, bonne ou mauvaise.



On en reparlera le jour où on tentera de l'appliquer cette loi, et j'ai
comme l'impression que ce ne sera pas pour demain.

En fait, avec la logique Adopi, le jour ou vous serez victime d'un vol,
vous recevrez un courrier du tribunal vous enjoignant d'installer un
dispositif x ou y sous peine d'être verbalisé la prochaine fois que vous
êtes cambriolé.



C'est assez inexact, comme description.



Ca se discute.

--
DIPLOMATIE : art de dire "Gentil le chien" jusqu'à ce que vous
trouviez une pierre.
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Albert ARIBAUD
Le Thu, 01 Jul 2010 18:16:56 +0000, Guenol a écrit :

Bonjour,

Le 01-07-2010, Albert ARIBAUD nous racontait :
Euh... si. Toute personne fournissant un accès au net (ce qui inclut le
titulaire d'un accès et qui en ouvre l'usage à d'autres, même à titre
gratuit) est tenue de conserver les éléments propres à identifier ces
utilisateurs.



Sur que repose cette affirmation ?



La loi dite LCEN, en réalité loi 2004-575 du 21 juin 2004. Plus
précisément le II de son article 6, qui dispose cette obligation.

Je veux bien que les opérateurs déclarés aient des obligations, mais
pour les autres cette affirmation m'a toujours laissé perplexe.



Le II de l'article 6 de la loi 2005-575 s'applique aux personnes
désignées dans les 1 et 2 du I du même article ; ici, c'est le 1 qui est
concerné, et il parle de "personnes dont l'activité est d'offrir un
accès..." sans autre précision. Le terme activité n'est pas synonyme de
profession, et dans tous les cas, cette activité ne nécessite pas une
déclaration.

Par ailleurs l'IP n'est pas la carte d'identité de celui qui commet un
délit à travers cette IP, mais HADOPI ne vise pas celui qui commet ce
délit : elle vise le titulaire de l'accès, qui n'est pas nécessairement
l'auteur de l'infraction originale mais est fautif de non sécurisation
de son accès. Dans cette optique, l'IP est bien une carte d'identité,
celle du titulaire de l'accès.



Bof, ca se tien pour les connexions résidentielles, et encore. Et il
existe suffisamment de contres exemples (Connexions mobiles natés,
réseaux d'entreprises proxiés...) pour contredire cette affirmation.



Cela peut être le cas ; cependant, dans les cas d'adresses NATées, le
fournisseur de l'adresse est en mesure, et dans l'obligation, de fournir
les éléments d'identification amenant au titulaire de l'accès concerné.

Je suppose qu'on parle de logiciels de sécurisations tels qu'évoqués
par la loi s'impose à nous, bonne ou mauvaise.





(Euh... quitte à ne citer qu'une partie de mes propos, je souhaiterais
qu'on opère les coupures aux frontières de phrases, parce que là, le
résultat est syntaxiquement bancal.)

On en reparlera le jour où on tentera de l'appliquer cette loi, et j'ai
comme l'impression que ce ne sera pas pour demain.



C'est bien possible en effet, et la lecture du billet d'Eolas montre que
même à l'appliquer, ça ne sera pas forcément efficace.

Amicalement,
--
Albert.
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Tr
*Ecrit* *par* *Albert ARIBAUD*:
...
et il parle de "personnes dont l'activité est d'offrir un
accès..." sans autre précision. Le terme activité n'est pas synonyme
de
profession, et dans tous les cas, cette activité ne nécessite pas une
déclaration.



la personne qui se fait pirater son accès, est-ce qu'on peut considérer
qu'elle offre un accès au fond?
est-ce qu'on peut considérer que c'est son activité (profession ou
non)?

--
La nationalité se définit par l'endroit où l'on souhaite se faire
enterrer. (Réflexion)

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