Twitter iPhone pliant OnePlus 11 PS5 Disney+ Orange Livebox Windows 11

"Worse is better" pour les nuls en anglais

2 réponses
Avatar
Emmanuel Florac
L'essor de "moins bien, c'est mieux", par Richard Gabriel (1987).

À peu près tous les concepteurs de Common LISP et CLOS, dont moi-même,
ont été extrêmement exposés au style de conception du MIT/Stanford.
L'essence de ce style peut être capturée par la phrase : "ce qu'il faut".
Pour un tel concepteur, il est important de réussir à obtenir ces
caractéristiques:
- simplicité - la conception doit être simple, en implémentation comme en
interface. Il est plus important pour l'interface d'être simple que pour
l'implémentation.
- exactitude. La conception doit être correcte dans tous les aspects
observables. L'inexactitude n'est simplement pas autorisée.
- Cohérence. Le modèle ne doit pas être incohérent. La conception peut
être légèrement moins simple et moins complète pour éviter les
incohérences. La cohérence est aussi importante que l'exactitude.
- Complétude. La conception doit gérer autant de situations importantes
que possible. Tous les cas raisonnablement envisageables doivent être
couverts. La simplicité n'est pas autorisée aux dépens de la complétude.

Je pense que la plupart des gens admettront que ce sont de bonnes
caractéristiques. J'appellerai l'usage de cette philosophie dans la
conception "l'approche MIT". Common LISP (y compris CLOS) et Scheme
représentent l'approche MIT dans la conception et l'implémentation.

La philosophie "moins bien, c'est mieux" différe subtilement:
- simplicité. la conception doit être simple, en implémentation comme en
interface. Il est plus important pour l'implémentation d'être simple que
pour l'interface. La simplicité est la plus importante considération dans
un concept.
- Exactitude. La conception doit être correcte dans tous les aspects
observables. Il est plus important d'être simple que correct.
- Cohérence. La conception ne doit pas être incorrecte de manière trop
évidente. La cohérence peut être sacrifiée à la simplicité dans certains
cas, mais il est préférable d'abandonner les parties qui concernent les
circonstances moins courantes que d'introduire soit plus de complexité
dans l'implémentation, soit des incohérences.
- Complétude. La conception doit gérer autant de situations importantes
que possible. Tous les cas raisonnablement envisageables devraient être
couverts. La complétude peut être sacrifié au profit de toute autre
qualité. En fait, la complétude doit être sacrifiée quand la simplicité
d'implémentation est en jeu. La cohérence peut être sacrifié pour
atteindre la complétude si cela permet de maintenir la simplicité; la
cohérence de l'interface n'a pas de valeur particulière.

Les anciennes versions d'Unix et de C sont des exemples de cette école de
conception, et j'appellerai cette stratégie "l'approche New Jersey". J'ai
intentionnellement caricaturé la philosophie du "moins bien, c'est mieux"
pour vous convaincre que c'est de toute évidence une mauvaise philosophie
et que l'approche New jersey est une mauvaise approche.

Cependant, je crois que le "moins bien, c'est mieux", même présenté comme
un épouvantail, a de meilleures capacités de survie que "ce qu'il faut",
et que l'approche New Jersey appliquée au logiciel est supérieure à
l'approche MIT.

Permettez moi de répéter une histoire qui montre la validité de la
distinction entre MIT et New Jersey, et que les promoteur de chacune de
ces philosophies pensent réellement que leur philosophie est la meilleure.

Deux fameux personnages, l'un du MIT et l'autre de Berkeley (mais
travaillant sur Unix) se rencontraient pour discuter de problèmes de
systèmes d'exploitation. La personne du MIT connaissait bien ITS (le
système d'exploitation du labo d'intelligence artificielle du MIT) et
avait lu les sources d'Uni. Il voulait savoir comment Unix résolvait le
problème du contrôle de processus "loser". Ce problème apparaît lorsqu'un
programme utilisateur invoque une routine système pour effectuer une
opération de longue durée qui peut avoir un état significatif, comme des
tampons d'entrée-sortie. Si une interruption se produit pendant cette
opération, l'état du programme utilisateur doit être sauvegardé. Comme
l'invocation de la routine système est généralement une seule
instruction, le contrôle de processus du programme ne peut capturer de
manière adéquate l'état du processus. La routine système doit donc soit
ressortir, soit continuer sur sa lancée. "Ce qu'il faut" est ressortir,
restaurer le programme utilisateur à l'instruction précise qui a invoqué
la routine système afin qu'à la reprise du programme utilisateur après
l'interruption, par exemple, on rentre à nouveau dans la routine système.
On appelle cela contrôle de processus "loser" parce que le contrôle de
processus est forcé en mode "loser", "loser" étant le petit nom pour
"utilisateur" au MIT.

Le gars du MIT ne voyait aucun code pour prendre soin de ce cas et
demanda au gars du New Jersey comment le problème était pris en charge.
Le gars du New Jersey répondit que les gens d'Uni étaient conscients du
problème, mais que la solution était pour la routine système de toujours
finir, mais parfois un code d'erreur serait retourné pour signaler que la
routine avait échoué à terminer son action. Un programme utilisateur
correct, donc, devait vérifier le code d'erreur pour déterminer s'il
devait simplement essayer d'appeler la routine système à nouveau. Le gars
du MIT n'aimait pas cette solution parce que ce n'était pas "ce qu'il
faut".

Le gars du New jersey dit que la solution Unix était correcte, parce que
la philosophie de conception d'Unix était la simplicité et que "ce qu'il
faut" serait trop complexe. Par ailleurs, les programmeurs pouvaient
facilement ajouter ce test et cette boucle supplémentaires. Le gars du
MIT remarque que l'implémentation était simple mais que l'interface de la
fonctionnalité était complexe. Le gars du New Jersey fit alors que le bon
compromis avait été choisi dans Unix, à savoir la simplicité
d'implémentation était plus importante que la simplicité de l'interface.

Le gars du MIT marmonna alors que parfois il faut être un vrai dur pour
faire un poulet bien tendre, mais le gars du New Jersey n'a pas compris
(je ne suis pas sûr d'avoir compris non plus).

Maintenant je veux arguer le fait que "moins bien c'est mieux" est mieux.
C est un langage de programmation conçu pour écrire Unix, et il a été
conçu en suivant l'approche New Jersey. C est par conséquent un langage
pour lequel il est facile d'écrire un compilateur acceptable, et il
impose au programmeur d'écrire du texte facile à interpréter par le
compilateur. Certains ont dit que le C était un langage assembleur
sophistiqué. À la fois les anciens Unix et compilateurs C avaient des
structures simples, étaient facile à porter, demandaient peu de
ressources machine pour s'exécuter, et fournissaient à peu près 50 à 80 %
de ce que l'on attend d'un système d'exploitation et d'un langage de
programmation.

La moitié des ordinateurs existant à un instant quelconque sont
inférieurs à la moyenne (plus petits, plus lents). Unix et C fonctionnent
bien sur ceux-ci. L'approche "moins bien, c'est mieux" signifie que la
simplicité d'implémentation a la plus haute priorité, ce qui veut dire
qu'Unix et C sont faciles à porter sur de telles machines. Par
conséquent, puisque les 50% de fonctionnalité fournies par C et Unix sont
satisfaisants, on s'attend à ce qu'ils commencent à apparaître partout.
Et c'est bien ce qu'il s'est passé, n'est ce pas?

Unix et C sont les virus informatiques ultimes.

Un bénéfice supplémentaire de l'approche "moins bien, c'est mieux" est
que le programmeur est conditionné à sacrifier de la sûreté, de la
commodité et des ennuis pour obtenir une bonne performance et une
utilisation modeste de ressources. Les programmes écrits en utilisant
l'approche New Jersey fonctionneront bien sur de petites machines comme
sur des grosses, et le code sera portable puisqu'il est écrit par dessus
un virus.

Il est important de se rappeler que le virus initial doit être
globalement bon. Dans ce cas, la propagation virale est assurée aussi
longtemps qu'il reste portable. Une fois que le virus s'est répandu, on
fera pression pour l'améliorer, peut-être en augmentant la fonctionnalité
plus près de 90%, mais les utilisateurs ont déjà été habitué à accepter
quelque chose d'inférieur à "ce qu'il faut". En conséquence, le logiciel
"moins bien c'est mieux" premièrement commencera à être accepté,
deuxièmement habituera les utilisateurs à en attendre moins, et
troisièmement sera amélioré jusqu'au point où il sera presque comme il
faut. En terme concrets, bien que les compilateurs Lisp en 1987 aient été
à peu près aussi bons que les compilateurs C, il y a nettement plus
d'experts en compilateurs qui veulent améliorer les compilateurs C que
les compilateurs Lisp.

La bonne nouvelle c'est qu'en 1995 nous auront un bon système
d'exploitation et un bon langage de programmation; la mauvaise nouvelle
c'est que ce seront Unix et C++.

Il y a un dernier avantage à "moins bien c'est mieux": Comme le système
et le langage du New Jersey ne sont pas vraiment assez puissants pour
construire de grands et complexes logiciels monolithiques, les grands
systèmes doivent être conçu pour réutiliser des composants. Par
conséquent une tradition d'intégration fleurit.

Comment "ce qu'il faut" se défend-il? Il y a deux scénarios de base : le
scénario du "grand système complexe" et celui du "pur joyau".

Le scénario du "grand système complexe" se déroule ainsi:

Tout d'abord, le système "qu'il faut" doit être conçu. Ensuite
l'implémentation doit en être conçue. Enfin il est implémenté. Comme
c'est "ce qu'il faut", il a pratiquement 100% de la fonctionnalité
souhaitée, et la simplicité d'implémentation n'ayant pas été une
préoccupation cela a pris très longtemps. Le système est vaste et
complexe. Il nécessite des outils complexes pour l'utiliser correctement.
Les derniers 20% prennent 80% de l'effort, et de fait "ce qu'il faut"
prend du temps, et ne fonctionne correctement que sur le matériel le plus
sophistiqué.

Le scénario du "pur joyau" se déroule ainsi:

La conception de "ce qu'il faut" demande une éternité, mais le système
est plutôt compact. L'implémenter de façon à ce qu'il soit rapide est
soit impossible, soit au-delà des capacités de la plupart des
développeurs.

Ces deux scénarios correspondent à Common Lisp et Scheme.

Le premier scénario est aussi celui des logiciels d'intelligence
artificielle classique.

"Ce qu'il faut" est fréquemment un logiciel monolithique, mais sans
raison autre que sa conception est menée ainsi. De fait cette
caractéristique est accidentelle.

La leçon à retenir de tout ceci est qu'il est souvent indésirable de
commencer par "ce qu'il faut". Il est préférable d'avoir la moitié de "ce
qu'il faut" disponible afin qu'il se répande comme un virus. Une fois que
les gens s'y sont attachés, prenez le temps de l'améliorer jusqu'à 90% de
"ce qu'il faut".

La leçon à ne surtout pas retenir serait de prendre cette parabole
littéralement et d'en conclure que C est le bon véhicule pour
l'intelligence artificielle. La solution à 50% doit être à peu près
juste, et dans ce cas elle ne l'est pas.

Mais on peut aussi conclure que la communauté Lisp doit sérieusement
reconsidérer sa position sur la conception en Lisp. J'en dirai plus sur
ce sujet ultérieurement.

rpg@lucid.com












--
I contend that we are both atheists. I just believe in one fewer god
than you do. When you understand why you dismiss all the other
possible gods, you will understand why I dismiss yours.
Steven Roberts

2 réponses

Avatar
Yliur
Le 29 Sep 2010 21:09:23 GMT
Emmanuel Florac a écrit :


L'essor de "moins bien, c'est mieux", par Richard Gabriel (1987).

[...]



Tu as publié une version sur la Toile, pour les 2-3 clampins qui ne
viennent pas sur fcold ?
Avatar
Emmanuel Florac
Le Thu, 30 Sep 2010 18:52:42 +0200, Yliur a écrit:


Tu as publié une version sur la Toile, pour les 2-3 clampins qui ne
viennent pas sur fcold ?




Naturellement :
http://blogs.intellique.com/tech/2010/09/30#worseisbetter

--
Yet the gross national product does not allow for the health of our
children, the quality of their education, or the joy of their play. It
does not include the beauty of our poetry or the strength of our
marriages; the intelligence of our public debate or the integrity of our
public officials. It measures neither our wit nor our courage; neither
our wisdom nor our learning; neither our compassion nor our devotion to
our country; it measures everything, in short, except that which makes
life worthwhile. And it tells us everything about America except why we
are proud that we are Americans.
Robert F. Kennedy.