Voyage de la dernière chance

Pour beaucoup de joueurs, BioShock est synonyme de qualité, d'immersion, d'une direction artistique quasi-impeccable. En effet, la série de Irrational Games nous a séduit lors de son arrivée en 2007, arborant une approche plus scénarisée des FPS habituels. Largement axé steampunk, le jeu nous plongeait dans une ville de toutes les décadences au début des années 1900 : Rapture. Cette cité sous-marine a fait l'objet de deux épisodes, mais se révèle désormais remplacée par un tout autre environnement dans le cadre de BioShock Infinite. Pour l'occasion, il s'agira d'un cas quasi-inverse : une cité aérienne et très lumineuse, pleine de vie et de bonne humeur : Columbia.

BioShock Infinite se déroule en 1912 et débute sur les côtes du Maine. Vous incarnez Broker DeWitt, un détective privé qui a pour objectif de se rendre à Columbia pour ramener une certaine fille à New-York. Sa mission est faite à contre-coeur et pour cause : DeWitt est un détective peu scrupuleux qui a déjà mis les mains dans de sales affaires, ce qui lui a irrémédiablement mené à des ennuis. Joueur dans l'âme et complètement ruiné, notre homme se jettera sur l'occasion « d'effacer la dette » à condition de ramener cette jeune fille aux Etats-Unis. Débarqué au milieu de nulle part et aux abords d'un phare, DeWitt devra trouver le moyen de rejoindre Columbia, quand bien même il ne sait pas trop comment tout cela va se passer.

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Clairement, les premiers instants de jeu font énormément penser au premier volet de la série : débarquement en pleine mer et pendant la nuit, entrée dans une étrange tour et arrivée dans une étrange ville qui mêle fascination et appréhension. Alors que le premier BioShock jouait à fond la carte du steampunk à l'atmosphère sombre, cet épisode tend à nous confronter à une sorte de bien-être malsain. En effet, vos premiers pas dans la ville de Columbia met en avant une sorte de paradis : les autels pour prier, des habitants habillés comme des anges, une nature verdoyante et extrêmement apaisante... tout cela semble si irréel et surfait ! Ainsi, les débuts du cheminements se font dans une ambiance de curiosité, teintée d'interrogations en tous genre : une superbe entrée en matière pour nous immerger dans l'hisroire, en somme.

Sans dévoiler les tenants et les aboutissants du scénario – ce qui constitue l'un des attraits majeurs du jeu – nous pouvons tout de même souligner que les habitants de la ville de Columbia vouent un véritable culte à un certain Comstock, « le Prophète » comme ils aiment à l'appeler. En effet, il décrit avoir effectué de nombreuses guerre et en être toujours sorti victorieux, dans l'optique de sauver ses prochains. Tout ceci combiné à d'immenses statues dorées à son effigie, des discours à la foule à toute heure fait largement penser à une forme de propagande. De plus, les autochtones sont étrangement tous 100 % américains, alors que cette population est connue pour sa mixité. Nous apprendrons bien assez vite que le jeu met en avant le racisme, mettant en cause la place des étrangers au début du siècle dernier selon les pères fondateurs des États-Unis. Ce malaise, bien mené, apporte un vrai avantage au scénario, et formera par ailleurs un fait majeur plus tard dans le jeu.

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L'action au service du scénario

Dans l'absolu, BioShock Infinite ne diffère pas énormément de ses aînés au niveau de sa prise en main. Malgré tout, les déplacements se veulent légèrement plus nerveux que par le passé, ce qui se révèle largement bienvenu. Cette modification a été mise en place puisque le titre se veut intentionnellement plus orienté action que le premier volet, sans pour autant atteindre le côté plus « frénétique » du second volet. Il est toutefois important de nuancer, puisque le jeu n'est pas pour autant devenu un FPS dans sa plus pure tradition, mais joue un peu plus sur les échanges de tir. Pour autant, il subsiste une possibilité de s'adonner à de l'exploration au sein des environnements plus ou moins vastes, selon la portion du jeu. Il est même possible de revenir dans des zones antérieures dans la plupart des cas.

Ainsi, les habitués de la série pourront passer du temps à fouiller les moindres recoins des décors du jeu, dégottant argent, munitions et autres aliments pour se redonner de la santé. Il sera aussi question de trouver des journaux audio à collecter, afin d'en savoir plus sur le background de ce nouvel épisode. Et ce ne sera pas de trop, tant l'univers derrière ce volet est travaillé et surtout très riche en surprises. Malgré tout, les lieux à visiter ne sont pas toujours très étendus, donnant ainsi une certaine sensation de linéarité. Fort heureusement, ce sentiment ne se révèle pas de mise tout au long du jeu, le level-design évoluant et s'élargissant au fil des heures de gameplay. C'est notamment le cas dans les lieux plus ouvert, mettant en avant les fameux rails aériens qui nécessite l'usage d'un crochet magnétique. Ces zones de jeu se voudront vastes et permettent de disposer de différentes approches possibles des ennemis : en tirant depuis le rail, en leur sautant dessus pour leur asséner un coup fatal, ou en allant se réfugier à distance.

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Comme dans les opus précédents, il est question d'utiliser des armes à feu d'époque, mais aussi de pouvoirs spéciaux. Exit les Plasmids et bonjour les Toniques, octroyant des pouvoirs sensiblement similaires à ceux des volets antérieurs de la licence : possession d'ennemis, élément de foudre, élément de feu, élément de vent, attaque de corbeaux, etc. Ces facultés sont toujours amorcées par le biais d'un produit, non plus à s'injecter mais à boire. Profitant d'un réel atout pour enrichir le gameplay, ces Toniques permettent de se compléter à l'usage des armes. Ces dernières peuvent d'ailleurs être qu'au nombre de deux de façon simultanée à portée de main, nécessitant donc de faire des choix tout au long de votre progression. Par ailleurs, vos équipements pourront être améliorés via des distributeurs automatiques similaires à ceux des deux volets antérieurs. Les armes seront customisables pour faire davantage de dégâts ou encore diminuer le recul, alors que les Toniques gagneront en efficacité si vous disposez de suffisamment de pièces dans votre bourse.

Autre élément de gameplay essentiel du jeu : la présence d'Elizabeth. Si la donzelle ne vous suit pas tout de suite dans l'aventure, elle se révélera rapidement indispensable à vos yeux. Dotée d'un pouvoir très utile qui lui permet de faire apparaître des choses via d'étranges failles, elle pourra matérialiser armes, munitions et autres trousses de soin à des endroits précis. De plus, elle nous fournira de temps à autre de quoi se remettre d’aplomb en plein combat. Contrairement à ce que nous pourrions penser, il ne faudra pas constamment veiller à ce qu'Elizabeth ne prenne pas de sales coups ennemi, puisqu'elle se protégera d'elle-même des balles. Et ce ne sera pas de trop, puisque les ennemis se révèlent parfois insistants, à défaut de profiter d'une intelligence artificielle exemplaire. Quoi qu'il en soit, la présence de cette coéquipière dynamise l'avancée dans le jeu, surtout qu'un soin tout particulier a été apporté à ses animations. Elle ne reste jamais statique en phase de combat mais aussi en exploration, et se déplacera parfaitement selon vos actions. Le travail à ce niveau s'est révélé diablement efficace, tant et si bien qu'aucun souci de pathfinding ne viendra ternir le tableau.

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Spectacle coloré

Qu'on se le dise : BioShock Infinite profite d'une réalisation soignée. Au niveau technique, l'affichage est satisfaisant, bien que des textures grossières et autres modélisations terminés à la serpe sont présentes. On constate clairement quelques défauts inhérents à l'Unreal Engine 3, désormais légèrement vieillissant. Clairement, c'est au niveau de la direction artistique que le jeu sort son épingle du jeu. A l'instar d'un Dishonored, le level-design se montre soigné, bien qu'assez étriqué par moments. On appréciera le jeu d'ombre et de lumière qui, sans être autant mis en avant que dans les deux précédents opus, offre un rendu toujours très immersif. Le jeu tourne sans accrocs, assurant une fluidité appréciable. Les animations sont de qualité, notamment pour Elizabeth qui dispose d'un large panel de mouvements qui s'enchaînent de façon aléatoire et naturelle. De plus, la jeune fille cherche à nous toucher, en mettant en avant des mimiques qui permettent d'en savoir plus sur son état d'esprit du moment : tantôt joyeuse, attristée, apeurée, colérique, etc.

La réalisation sonore n'est pas en reste, accentuant le côté steampunk du jeu au travers de morceaux de jazz des années 1900. Les doublages français sont également de très bonne facture, ce qui nous fera pas regretter les voix originales en anglais.

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Plutôt long ( environ 12 heures de jeu ), le soft devient bien plus corsé à finaliser dans les modes de difficulté accrus. Nous pensons notamment au mode 1999 – qui se débloque une fois le jeu terminé une première fois – qui ne laisse pas vraiment le droit à l'erreur, malgré la présence d'un bouclier qui se recharge régulièrement. Elizabeth sera toutefois un élément essentiel dans ce cas de figure, nous fournissant armes et énergie de façon assez régulière, tout en nous ressuscitant directement sur le champ de bataille contre quelques pièces. Pour les puristes, nous sommes assez loin de la difficulté particulièrement relevée de certains modes de BioShock et BioShock 2, mais l'ensemble demeure toujours un sacré challenge à relever.

Après un second volet moins efficace, la série BioShock revient en force avec un troisième volet qui prend le pari de proposer un environnement diamétralement opposé à la ville de Rapture en termes d'environnement, mais qui se rejoint dans ses fondements. La narration est toujours au centre de l'aventure, servie par une ambiance visuelle remarquable et immersive, de sorte à nous tenir en haleine de nombreuses heures. Malgré tout, le titre s'éloigne du côté contemplatif du premier volet pour gagner en dynamisme et en action, tout en adaptant très légèrement la prise en main pour gagner en réactivité. La présence d'Elizabeth à nos côtés se révèle un réel avantage pour améliorer les moindres déplacements au sein de Columbia et le personnage de Broker DeWitt a été suffisamment bien travaillé pour éviter de tomber dans le cliché ou le piège du manque de charisme. En somme, BioShock Infinite est un jeu à ne pas rater pour les amateurs de scénario bien menés, surprenants et qui ne lésinent pas sur quelques fusillades.

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+ Les plus

  • Scénario très efficace et immersif
  • Background travaillé
  • Direction artistique de qualité
  • Gameplay plus réactif que par le passé
  • La présence d'Elizabeth
  • Durée de vie satisfaisante

- Les moins

  • Quelques imperfections techniques
  • Level-design parfois un peu étriqué